Molière et la Cabale des dévots !

 " Dom Juan" de Molière , le contexte de l'époque et la cabale!

 I/ Eléments pour une INTRODUCTION de commentaire sur «  Dom Juan », acte V, scènes 5 et 6!

L'élève choisira les informations biographiques éclairant particulièrement l'extrait!

1. Biographie et contexte littéraire et religieux: Au début du XVIIè siècle, le genre de la comédie est en pleine crise ! C’est donc à une véritable explosion que l’on assiste dans les années 1661-1685  et Molière joue un rôle certain dans le développement et le succès de ce genre !  Une certaine diversité caractérise la comédie . Certes,  en général, les dramaturges y appliquent la règle des 3 unités, résumée dans les vers de Nicolas Boileau : «  Qu’en un lieu, en un jour, un seul fait accompli / tienne jusqu’à la fin le théâtre rempli ! » Cependant, , des exceptions apparaissent et c’est le cas de « Don Juan » puisque l’action se déroule sur 36 heures, dépassant ainsi la durée d’une révolution solaire prônée par les doctes , nécessite plusieurs décors et introduit des passages de grande intensité dramatique. Si l’on se réfère à l’appellation retenue par Molière, «  Don Juan » serait une comédie. Or, en réalité, il s’agit plutôt d’une tragi-comédie où le sérieux se mêle au comique intimement ! En cette année 1665  qui suit l’interdiction de «  Tartuffe » , Molière, avec «  Dom Juan » , accentue encore le caractère engagé de son théâtre ! La réaction des bien-pensants et des dévots ne se fait pas attendre : ils croient ou font semblant de croire que Molière fait l’apologie du libertinage et qu’il défend les positions contestataires de son personnage, tout comme ils avaient feint de croire que l’auteur de «  Tartuffe » critiquait les hommes d’Eglise et la religion, alors qu’il ne faisait que se moquer des imposteurs , des faux dévots et de leur  hypocrisie !  «  Tartuffe » ne portait pas atteinte à la foi mais pointait du doigt les arrivistes qui utilisent une piété d’apparence pour faire carrière et s’immiscer dans les affaires familiales ! Les autorités religieuses se déchaînent contre Molière, l’accusant d’être un libertin, d’avoir fait de sa propre fille , Armande Béjart, son épouse ! On ridiculise son jeu d’acteur, tous les moyens sont bons pour l’abattre !  Il faudra à Molière remanier par 3 fois sa pièce et faire intervenir le Roi pour que «  Tartuffe » soit enfin jouée … en 1669, cinq années après sa création !  Contre « Don Juan » , «  pièce de rechange »  écrite dans l’urgence en 1665 pour faire vivre la troupe pendant l’interdiction de «  Tartuffe » , l’ attaque  va redoubler de violence.  En témoigne un sonnet anonyme que l’on fait circuler , véritable incitation au meurtre ! «  Qu’on le jette lié au fond de la rivière/ Avec tous ces impies compagnons d’Arlequin… »  Louis XIV , qui pourtant soutenait l’auteur de «  Don Juan » , doit s’incliner face à la cabale des dévots car cette organisation secrète constitue un puissant groupe de pression sur le pouvoir! De nouveau, les adversaires de Molière triomphent et  la tragi-comédie est interdite au bout de 15 représentations seulement ! Rappelons qu’elle ne sera plus jamais jouée du vivant de son auteur et qu’elle ne sera publiée qu’en 1682, à titre posthume .

2. Présentation du texte avec contextualisation! La pièce met en scène Don Juan, un noble espagnol et Sganarelle, son valet et son homme de confiance. Ils fuient , poursuivis par Elvire, épouse éplorée abandonnée par le séducteur et par ses frères qui crient vengeance.  Durant cette fuite, Don Juan expose ses idées matérialistes: il refuse un Dieu qui entrave sa liberté, se fait l’apologiste d’une hypocrisie nécessaire pour éviter d’être sanctionné par la société . Face à lui, Sganarelle défend la morale traditionnelle.  Le thème de la religion occupe une place importante et donne lieu à 2 actions : le libertin tente à l’acte III , scène 2 de faire blasphémer un pauvre ermite et invite  par provocation à dîner la statue du commandeur, fantôme de celui qu’il a tué 6 mois auparavant. Cette apparition fantastique représente Dieu et l’ordre social et c’est elle qui l’entraînera dans la mort dans un dénouement spectaculaire. C’est ce dénouement qu’il s’agit d’étudier ici, à savoir l’acte V , scènes 5 et 6. 

3. Qu'est-ce qui fait l'originalité de ce dénouement? Quelles en sont les caractéristiques?

4. Pour répondre à ces questions, nous verrons tout d’abord en quoi la mort du libertin constitue une revanche de la société mais aussi l’aboutissement d’une logique dramatique dans un mélange des registres et des genres rare dans le théâtre classique français !

   II/   BIOGRAPHIE de Molière !

 Né en 1622,  Molière, de son vrai nom Jean-Baptiste Poquelin, semble avoir une vie toute tracée : il pourrait en effet succéder à son père, valet de chambre et tapissier du roi, charges honorifiques , sources de prestige ! Pourtant, il entame des études de droit , est attiré par la philosophie libertine , se passionne pour le théâtre ! Dramaturge, chef de troupe, comédien et metteur en scène , il conquiert Paris  et la Cour en 1658 ! Partout l’on vante son sens du comique ! Il ressentira d’ailleurs toute sa vie une grande amertume à voir méconnaître sa vocation d’acteur tragique ! Néanmoins, il exploite d’abord la farce , avec «  Sganarelle » , puis la comédie-ballet, mêlant musique, danse et chant comme dans «  Les Fâcheux » et plus tard dans «  le Bourgeois Gentilhomme » et «  Le Malade imaginaire ».

 Mais avec «  L’Ecole des femmes » en 1662, il va innover en abordant la grande comédie, appelée aussi la comédie sérieuse car elle soulève des problèmes de société . Il ridiculise les vices de ses contemporains, l’avarice dans «  L’Avare » , la préciosité dans «  Les Femmes savantes », le charlatanisme des médecins dans «  Le Malade imaginaire » … Toutefois,  le temps des chefs d’œuvre sera aussi celui des difficultés ! Ses rivaux le haïssent ; les théoriciens du théâtre lui reprochent de ne pas respecter les règles ; la cabale des dévots en 1664-1665 fait interdire successivement «  Tartuffe » et «  Dom Juan » ! Certes, le Roi tente de le protéger, sera le parrain de son fils et lui permet de nommer sa troupe «  Troupe du Roi » !  Hélas,  ses adversaires  triomphent et font retirer ses spectacles de l’affiche ! En outre, les épreuves personnelles s'accumulent :  il souffre d’une maladie pulmonaire et cardiaque ; sa femme , de 20 ans de moins que lui, est une redoutable coquette et il perd son fils à la naissance.

 C’est au cours de la 4 è représentation du «  Malade imaginaire » en 1673 qu’il meurt d’une hémorragie interne, donnant naissance à la légende de l’acteur mort sur scène, dans le rôle d’Argan, le personnage d’hypocondriaque ! Il devient ainsi le symbole du courage  de celui qui continue jusqu’au bout son métier !

En réalité, il aurait fait un malaise sur scène et serait décédé dans les coulisses ou à son domicile…