Cap sur le théâtre!

  

      1ère partie : mise au point sur le CLASSICISME 

     Il s'agit d'un mouvement littéraire et culturel de 1660 à 1685, correspondant à l'ascension du Roi Soleil, alors à son zénith! ( " Le Roi Soleil " est une périphrase pour désigner Louis XIV ! )

  Prônée par les doctes , cette esthétique apparaît en réaction contre le théâtre baroque!

   Les théoriciens du classicisme sont Nicolas Boileau dans son " Art poétique ( 1674) et L'Abbé D'Aubignac dans sa " Pratique du théâtre" ( 1657) .  Le théâtre classique, dit " régulier", se résume en 3 mots:  unités, vraisemblance et bienséances.

   1. La règle des 3 unités tient dans cette célèbre formule de Nicolas Boileau:

  " Qu'en un lieu, en un jour, un seul fait accompli

   Tienne jusqu'à la fin le théâtre rempli! "

   La durée de l'action doit coïncider avec une révolution solaire. Ainsi la tragédie " Athalie" de Racine tient-elle en un seul jour funeste , " la fameuse journée " ou " Allez pour ce grand jour ! ", évoqué dans la scène d'exposition. ( Acte I, scènes 1 et 2 )

   L'unité d'action signifie une action unifiée à laquelle se rattachent les actions secondaires : Corneille la nommait " l'unité de péril" ou l'unité d'intérêt.

   2. La VRAISEMBLANCE est une exigence intellectuelle qui proscrit sur scène l'arbitraire et l'absurde. C'est L'EXIGENCE MAJEURE de l'esthétique classique !

   Thisbé vous livre un florilège de citations pour l'illustrer:

 " Il n'y a que le vraisemblable qui touche dans la tragédie!" Racine

 " Jamais au spectateur n'offrez rien d'incroyable!" Boileau

 " Le vraisemblable est tout ce qui est conforme à l'opinion du public. " Rapin

 " Le vrai peut parfois n'être pas vraisemblable!" Boileau

    3. La règle des BIENSEANCES : elles renvoient à une exigence MORALE; il ne faut pas choquer! Au XVIIè, certaines réalités sont jugées malséantes, déplacées sur scène :  " La scène ne donne point les choses comme elles ont été, mais comme elles devraient être!" écrit D'Aubignac  dans " Pratique du théâtre" en 1657.

  En France, entre 1630 et 1640, nous assistons à une sorte de crise morale qui se traduit par une série d'interdictions .

  a. Chimène dans " Le Cid" est traitée d'"impudique" recevant le meurtier de son père la nuit et l'épousant à la fin!

  b. La tragédie classique n'évoquait la vie quotidienne ( la toilette, l'habillement, le sommeil ... ) que par des périphrases. 

  c. Les duels, les combats, la représentation de la mort sur scène étaient prohibés. Ainsi le respect interdisait-il de montrer une épée nue devant une dame, un souverain, le public. Les acteurs devaient jouer plutôt " la main à l'épée" que " l'épée à la main" !

  d. Même aux portes de la mort, les acteurs allaient trépasser en coulisse, criant: " Qu'on m'emporte!" ou " Ah! Je me meurs!" . Quelqu'un venait en faire le récit au public . Boileau s'exclamait ainsi : " Ce qu'on ne doit point voir, qu'un récit nous l'expose!"

 Pour conclure, les BIENSEANCES se mesuraient à l'aune du goût et des coutumes du public contemporain qu'il ne fallait pas heurter.

   4. Mais le classicisme est aussi une esthétique qui exige une langue simple, claire et concise!

  " Ce qui se conçoit bien s'énonce clairement

   Et les mots pour le dire viennent aisément . " Boileau

   5. Cette langue nouvelle exprime un idéal classique d'équilibre, de modération, incarné dans la figure de " l'honnête homme", mesuré et de commerce agréable!

   6. De plus, l'artiste classique admire et imite les modèles de l'Antiquité. Pour " les Anciens", les oeuvres gréco-latines sont des réalisations parfaites que l'on ne peut dépasser alors que pour " les Modernes", il convient de les adapter au goût contemporain : c'est la fameuse "Querelle des Anciens et des Modernes" !

    7. Notons que ce goût pour l'Antiquité se retrouve dans la peinture et la sculpture. La Colonnade du Louvre témoigne de cette imitation de l'Antiquité et de la recherche d'harmonie, de pureté, de simplicité de l'architecture classique. Citons Nicolas Poussin (1594-1665) qui symbolise le classicisme pictural, par exemple dans sa toile " Ruines romaines".

    8. Enfin, la littérature classique s'assigne des principes moraux, résumés en une formule latine " PLACERE ET DOCERE" mais aussi dans la tragédie " MOVERE".

  a. Elle se fixe un objectif moral qui est d'INSTRUIRE , d'inspirer l'amour du bien . ( DOCERE = éduquer)

  b. Pour atteindre ce but, elle doit séduire le spectateur et lui plaire! ( PLACERE en latin signifie plaire)

  c. La tragédie classique a aussi pour vocation d' EMOUVOIR, de toucher la sensibilité du public , en suscitant la terreur et la pitié.  ( MOVERE = ébranler, mouvoir )

   En conclusion, c'est en retenant son attention qu'elle peut mener le lecteur, le spectateur à la réflexion.

   Culture étymologique à retenir:

 Thisbé vous rappelle que tout sujet de BAC sur le théâtre doit prendre en compte la dimension scénique , c'est-à-dire la matérialisation du texte sur scène par le jeu des acteurs, le travail du metteur en scène et ses partis pris, les éclairagistes, les costumiers...

  D'ailleurs, le verbe " REPRESENTER" ne signifie-t-il pas rendre présent, rendre sensible un objet absent au moyen d'un symbole?

  En outre, le mot "théâtre"en grec signifiait regarder, ce qui place d'emblée cet art sous le signe ... du REGARD ! Une pièce est donc avant tout un SPECTACLE à voir et à entendre! Toute création n'est-elle pas re-création et récréation?

 

 2ème PARTIE : les PRINCIPES de la TRAGEDIE CLASSIQUE

  Ils sont fixés vers 1660 par les théoriciens L'Abbé D'Aubignac et Nicolas Boileau .  En voici un rappel par Thisbé!

 1. Les tragédies sont écrites en alexandrins et construites en 5 actes.

 2. Les héros sont de rang élevé mais de stature morale " MEDIOCRE" au sens latin du terme, "ni trop bons, ni trop méchants." La médiocrité est la condition nécessaire à la sympathie du spectateur: nous pouvons plaindre le héros sans le détester car il possède " une vertu capable de faiblesse" selon les mots de Racine. N'est-ce pas le spectacle de l'inconfort de la condition humaine qui suscite le plaisir de la tragédie? Ce spectacle provoque en effet en nous la PITIE et la TERREUR , les 2 dimensions de la sympathie tragique, faite de compassion pour les malheurs du héros et d'empathie: le spectateur s'associe au malheur du personnage , il y participe!

 Les 3 principes de MEDIOCRITE, de TERREUR et de PITIE , empruntés à Aristote, ont pour but dans la tragédie classique de " mettre en larmes" le public , de l'émouvoir !  ( Racine)

  Le registre tragique naît de la représentation sur scène d'un conflit ou d'une dévastation intérieure chez des personnages déchirés par un dilemme.  C'est la représentation d'un choix impossible qui crée chez le spectateur ce sentiment de " tristesse majestueuse" dont parle Racine dans " Bérénice".

   3. La règle au XVII è siècle est de " peindre les hommes tels qu'ils sont" , en respectant la VRAISEMBLANCE qui favorise l'adhésion intellectuelle et la BIENSEANCE qui suscite l' adhésion morale du public.

Au contraire, Corneille peint les hommes"tels qu'ils devraient être"!

   4. Enfin, la règle des règles est l'art de PLAIRE, de divertir le public, tout en l'instruisant, selon la formule latine du " PLACERE ET DOCERE" vue en 1ère partie ! Mais la tragédie classique vise aussi à émouvoir , selon le 3 ème principe d'Aristote : " MOVERE " !

   3 ème PARTIE : le registre COMIQUE

  Il peut revêtir plusieurs formes:

  1. Le comique de MOTS:

  - les répétitions

  - les macaronismes ( les Diafoirus dans " Le Malade imaginaire" et leur jargon médical affublé de terminaisons latines)

  - les jeux de mots

  - les confusions entre 2 paronymes: avoir le trac/ distribuer des tracts

  - les insultes et jurons

  - le registre familier

  - l'argot , le patois, le dialecte

  - le bégaiement ou autre trouble du langage...

  - l'accent ( cf l'accent corse dans la mise en scène du TNN d'"Edmond" )

  2. Le comique de GESTES:

  - la gestuelle

  - les mimiques ou jeux de physionomie ( grimaces, froncements de sourcils, rictus...)

  - les chutes

  - les poursuites sur scènes

  - les coups de bâton ...

   3. Le comique de SITUATION :

  - le quiproquo = le malentendu= la méprise ( à ne pas confondre avec le mépris! )

  - l'arroseur arrosé fait rire par un cocasse retournement de situation ou une inversion des rôles!

  - le voleur volé

  - le trompeur trompé...

   4. Le comique de CARACTERE : ce qui affecte la personnalité d'un personnage

  - Tics ou manies

  - un TOC ( maladif)

  - un travers ou un vice ridicule

  - les monomaniaques chez Molière, personnages obsédés par une idée fixe ( Harpagon dans " L'Avare" , Orgon dans " Tartuffe" , Argan dans " Le Malade imaginaire"...)

    4 ème PARTIE: Le langage de la dramaturgie

   I/ La scène d'exposition: acte I , scène 1 ou acte I, scènes1 et 2

  Parfois , l'exposition se prolonge sur tout l'acte I !

  Nicolas Boileau, théoricien du classicisme, en souligne l'importance:

 " Le sujet n'est jamais assez tôt expliqué!": il faut l'introduire le plus tôt possible!

 Corneille nommait la scène d'exposition " la PROTASE" et le personnage ne servant qu'à faire l'exposition et disparaissant ensuite le personnage PROTATIQUE .

 A/ Au XVII ème, 3 TYPES d'exposition

  1. Par un récit du CHOEUR, héritage de la tragédie antique

  2. Par un monologue du héros

  3. Par un dialogue héros/ confident

 B/ Son rôle?

  1. INFORMATIF

   a. Présenter les personnages et le cadre spatio temporel

   b. Saisir leurs liens

   c. Comprendre les ENJEUX de l'intrigue

   d. Eclairer sur le GENRE de la pièce (comédie, tragédie, vaudeville...)

   2. Un LEURRE :

   Parfois, le dramaturge diffère ou dissimule des informations au spectateur, jouant avec le savoir et l'ignorance du public!

   Il peut ne pas combler l'attente du public, le dérouter, voire créer un malaise, comme dans " En attendant Godot" dont l'ouverture est atypique, inhabituelle...

   II / La TIRADE : une longue réplique

   1. Elle était de règle au XVII ème et connut une belle postérité!

   2. Au théâtre, c'était un accord tacite que de se laisser parler tour à tour!

  cf Madame Pernelle dans " Tartuffe", acte I, scène 1:

  " Mais enfin, je prétends discourir à mon tour!" , clin d'oeil malicieux de Molière rappelant la règle!

   3. Souvent, la rhétorique prime sur la sincérité car " parler au théâtre, c'est agir!" disait D'Aubignac.

   4. De surcroît, face à un public turbulent, la tirade imposait le respect et faisait taire le brouhaha!

   Ainsi au XIX ème dira-t-on encore: " La tartine, voilà ce qu'on va chercher au théâtre!"

    III / Les FONCTIONS DU MONOLOGUE

   1. Le personnage se parle à haute voix tout seul.

   2. Le monologue peut avoir une fonction INFORMATIVE et EXPLICATIVE : il porte à la connaissance du public des faits utiles à la compréhension.

   3. Une FONCTION LYRIQUE: le personnage " chante" les élans de son coeur! Il livre ses secrets!

   4. Une FONCTION CATHARTIQUE:

  Le personnage se libère par la parole, il vide son sac , il "se purge" par un retour sur lui-même! La CATHARSIS , c'est la PURGATION DES PASSIONS!

    5. Le monologue revêt souvent des allures de DIALOGUE:

   a. Apostrophes , invocations à des entités abstraites

   b. Personnification des sentiments: " ô rage, ô désespoir, ô vieillesse ennemie! ' ( Le Cid" de Corneille)

   c. Tutoiement : le personnage apostrophe un personnage absent ou mort ou s'apostrophe lui-même!

    6. A ne pas confondre avec un APARTE :

   a. signalé par une didascalie : ( parlant bas) ou ( à part)

   b. Permet de confier au public des sentiments secrets

   c. Celui qui le fait n'est pas seul su scène et ne veut pas être entendu des autres personnages!

     IV / LE NOEUD

  C'est ce qui sera dénoué, synonyme d'intrigue. Sans obstacle, pas de noeud! L'OBSTACLE constitue donc un RESSORT DRAMATIQUE.

   1. le pouvoir royal ou paternel

   2. La raison d'Etat

   3. La fatalité , le poids du destin

   4. L'amour non réciproque: aimer sans être aimé!

   5. Le quiproquo = le malentendu = la méprise . C'est le cas dans " Pyrame et Thisbé" où une fausse mort en provoque 2 véritables!

   6. Le dilemme, situation d'irrésolution tragique! ( Rodrigue est déchiré entre son amour pour Chimène et l'honneur de sa lignée)

  V / LE DENOUEMENT de la pièce

  1. Synonymes: l'issue, le point où se résoud l'intrigue

  2. L'action est dénouée avec la cessation des périls ou des obstacles !

  3. On accède à une situation stable , heureuse ou malheureuse!

  4. Corneille raillait la manie dans les comédies " de marier tout ce qu'on introduisait sur scène"!

  5. Dénouement INVISIBLE selon les bienséances qui proscrivaient la mort sur scène!

  La mort devait s'accomplir loin de nos yeux au XVII ème siècle.

  Un personnage en faisait le récit au public.

   Bonnes révisions à tous !

NB/  Pour les élèves qui feront des études de Lettres, Thisbé suggère les excellents ouvrages suivants:

  - " Le langage dramatique" de Pierre Larthomas

  - " la dramaturgie classique en France" de Jacques Scherer

  - " L'Ecole du spectateur" d'Anne Ubersfeld

  -  Articles riches " Tragédie" et " Comédie" dans l'extraordinaire " Dictionnaire des littératures de langue française" .

  Autant de livres de chevet pour les classes préparatoires aux grandes écoles ou pour la préparation du CAPES et de l'agrégation ...

            

 

 

 

                          

                   

 

 

 

 

    

 

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